Pour la sortie du tome 11 des aventures de l'héroïne prisée des ados, son auteur, Sophie Audouin-Mamikonian, nous a reçus chez elle...
Paris XVIème, vendredi. Sophie Audouin-Mamikonian, qui travaille quinze heures par jour dans son bureau tapissé de livres de science-fiction, confie que son héroïne Tara Duncan, malgré ses pouvoirs, a les mêmes problèmes que toutes les ados de son âge...
On n'a pas encore eu le temps de brancher l'enregistreur que Sophie Audouin-Mamikonian raconte déjà une histoire: "Il y a une semaine, une femme de 40 ans m'aborde dans la rue et me dit : Je suis une pratiquante. Ce matin, j'ai sacrifié un coq noir pour votre réussite. En fait, elle faisait de la magie noire. Il m'arrive tout le temps des trucs de fou!" Et d'emblée, on comprend mieux pourquoi les récits de sa série de livres jeunesse à succès "Tara Duncan", traduite en 19 langues et vendue en France à un million d'exemplaires, dont le nouvel opus sort après-demain, sont aussi délirants. La jeune Tara, "Sortcelière" aux pouvoirs magiques, 18 ans dans ce tome 11, doit sans cesse se coltiner avec des démons, des dragons au nom de Charmamnichirachiva, des bestioles telles que les Scrogneupluf, personnages se livrant plus ou moins une guerre planétaire!
En préambule du livre, l'auteur de 52 ans prévient n'avoir "consommé aucune substance illicite". Et nous, on nous avait prévenus: "Mamikonian, elle est dingue!" Pourtant, son immense appartement parisien du XVIème arrondissement n'a rien de dingue. Il y a bien quelques dragons sculptés, cadeaux de son époux financier, mais peu d'objets "magiques" ou de posters à l'effigie de son héroïne. "Je ne suis pas dans la célébration de Tara, tranche l'auteur : j'écris aussi d'autres choses, seize livres en dix ans." Avec sa voix haut perchée, cette belle blonde qui ponctue ses phrases de "Come on, quoi!" et de "chouchou" embraye sur sa réputation de "dingue": "C'est le plus beau compliment qu'on puisse me faire. Quand je parle de mon imaginaire en public, on me prend pour une folle. Mais Homère, il était quoi, chouchou? Il a quand même créé un personnage qui avait un œil au milieu du front!" Au rayon hors norme, elle s'y connaît: "Je passe mon temps à me perdre. Je marche dans la rue, je vois un arbre, et je me dis: Bon, si un oiseau de feu se pose sur cet arbre, il va cramer. Donc, il faut que l'arbre soit ignifugé… Je suis à fond dans mon imaginaire, j'en oublie où je vais."
Elle nous entraîne alors dans son gigantesque bureau tapissé de livres... "la plus grande bibliothèque privée de fantasy et science-fiction en France", et on la trouve tout de suite moins dingue. Car c'est là qu'elle travaille quinze heures par jour, du lundi au vendredi, de 8h30 à minuit. On remarque le fond d'écran de son ordinateur: c'est Tara Duncan. Elle en profite pour revenir sur le malentendu qui entoure son héroïne. "Tara reste une ado avec des problèmes d'ado. Ça, les adultes ne le comprennent pas : ils ne retiennent que l'univers délirant. Mais comme on, quoi, le cœur des livres est ailleurs, dans le fait que Tara a deux petits copains, des problèmes familiaux… Ses pouvoirs, ce sont des métaphores de l'adolescence. Une gamine de 13 ans qui se retrouve subitement affublée d'une superbe poitrine, c'est un pouvoir mais très compliqué à contrôler."
D'où lui vient cette volonté permanente de raconter des histoires, de divertir? Elle explique ça en partie par sa complexe filiation: princesse arménienne par sa mère, nièce du réalisateur Francis Veber, Sophie Audoin-Mamikonian est l'arrière-petite-fille de Tristan Bernard, "qui aimait tant faire rire les autres". Et "Audouin" dans tout ça? "C'est le nom de mon mari". Celui-ci, et leurs deux filles de 23 et 26 ans, guettent-ils avec impatience la sortie du prochain et ultime tome de la saga? Sans doute pas: ils savent que leur "dingue" de Sophie trouvera d'autres occupations multiples.
Comme écrire, encore et toujours, préparer un one-woman-show (prévu en avril) pour les fans de Tara, et gérer "Les AutresMondes de Tara Duncan", série écrite par d'autres auteurs et publiée en novembre chez Michel Lafon. Ou surveiller la série télé inspirée de Tara, et faire adapter son héroïne par Hollywood. Sophie Audoin-Mamikonian pense avoir du temps devant elle: "J'ai vu un reportage qui expliquait que compte tenu de l'évolution de la bio-ingénierie et des nanotechnologies, on allait pouvoir vivre mille ans." On se croirait dans un chapitre de "Tara Duncan"…